Ce projet de travail à la RAI relevait du défi. C’était un sol miné où, s’enfonçant à chaque pas, j’aboutissais à un obscur dédale de sentiers qui menait à une impasse. Je vivais alors dans une totale ignorance des courants qui traversaient l’Italie tournée vers le bonheur privé plutôt que vers l’action collective, des dérives de la lutte armée avec ses repentis ou plutôt collaborateurs de justice qui dénonçaient leurs erreurs sur le dos d’anciens compagnons pour bénéficier d’une remise de peine, de l’égarement collectif déclenché par la confusion des idées et des âmes. A trente ans, j’ouvrais des yeux incrédules sur ce mouvement de repli et de reflux, où les gens ne s’en remettaient plus à des valeurs, sources de richesse intérieure, mais cédaient à l’infatuation des modes pour se trahir eux-mêmes. Il était inutile de me le dissimuler : pour mes compagnons de travail, j’étais complètement à côté de mes pompes. Car ce qui importait aujourd’hui, c’était mimer le jeu de la séduction plutôt que de le jouer, préférer les masques, les rôles, les faux-semblants à une authenticité à l’égard de soi et des autres, s’asseoir devant une télévision au son coupé, croire aux miracles et à la loterie. Les longs entretiens me prouvaient que la famille était devenue le seul refuge contre le désabusement général. Tout se passait comme si, dans ce présent confus, la jeunesse n’avait plus, pour garder ses repères et se protéger du vide, que ce repli sécurisant sur la phratrie.