Défiance toute insulaire : la mer divise. Il y a du dia-bolique dans la mer qui forme une frontière. Elle fonde le sentiment de l’exil et fait divaguer la raison. Cette réserve n’est pas mépris ou indifférence; elle vient des profondeurs de l’histoire de la Sardaigne. Elle est aussi le résultat des colonisations interminables – de telle sorte qu’il y a constant ressentiment et crainte constante d’être transformé par autrui, d’être pénétré par lui, d’être en son pouvoir ou sous sa domination. L’Autre est toujours celui qui, de par son existence, pourrait se livrer à une intrusion intolérable. L’Autre, c’est l’ennemi, l’envahisseur, celui contre lequel il a toujours fallu se barricader, se protéger depuis la plus haute antiquité. Un dicton sarde, « Le diable vient de la mer » rend assez bien compte de la suspicion à l’égard du “horsain”, de celui qui arrive du “dehors”; car le mot diable (diabolos en grec) veut dire “diviseur”. C’est l’image d’une grande fracture.