Hier, un collègue continentale s’est perdu en divagations sans fin, alors que nous parlions de la Sardaigne. Ile femelle sans désir, qu’il essaie en vain d’atteindre et qui ne cesse de lui échapper.
– Ce qui me fascine ici, disait-il, c’est tout ce qu’il y a dans l’île d’éternellement fuyant, évanescent et presque hostile. Cela même m’invite à sa poursuite et éveille en moi un désir furieux de possession et de domination.
Décidément, l’île sert de miroir à fantasmes; ainsi elle prend chez P. les couleurs de la femme étrangère qu’il a épousée et qui lui demeure impénétrable.
Tout le mystère de l’île est peut-être là : elle est et elle n’est pas, entre ce qui se masque et ce qui se dévoile. Sa puissance est d’être hors d’atteinte, sa nature étant de fuite. P. n’est pas le seul à projeter ses rêveries de défloration sur la Sardaigne. Tous ceux qui viennent d’ailleurs le savent. Le charme de cette terre âpre est fait de ce qui est caché sous sa robe de pierre.