Extrait 10: Passeggiata

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La seule réalité dans cette ville peureusement blottie derrière ses remparts, c’est l’apparence du rôle. Les jeunes filles, que l’on voit déambuler en grappes le long de la via Garibaldi à l’heure de la passeggiata (la promenade), ne cherchent pas à imiter les figures des revues féminines pour séduire : bien plutôt elles se cachent derrière le masque uniforme de la mode. L’excessif du rouge à joues et à lèvres, le khôl qui cerne l’œil et aiguise le regard, sont autant de façons d’annuler la singularité du visage et relèvent souvent de la mascarade. Le ormai siamo tutti uguali (on est tous pareils maintenant) que tous ont à la bouche, sert de carte de visite, vérifiant surtout qu’il existe bien un entraînement à se faire passer pour autrui et mettant par là même l’accent sur la similitude, au risque de confondre l’égalité avec la parité, l’uniformité.. Dans cette lésion du sens de l’autonomie personnelle, il y a à la fois impossibilité d’affirmer la propre identité en tant que moi vis-à-vis de l’autre et impossibilité de l’affirmer en soi.